Bernard Coulaty, DRH pendant plus de 30 ans en France, en Europe puis en Asie pour de grands groupes français à dimension mondiale (Danone, Pernod Ricard), est un expert reconnu des stratégies d’engagement et de transformation RH. Auteur de ‘New Deal of Employee Engagement’ (McGraw-Hill 2015) adapté pour la France sous le titre ‘ENGAGEMENT 4.0’ (EMS 2018), il partage aujourd’hui son expertise à travers son activité de formateur et de consultant. Il enseigne le leadership et la gestion des ressources humaines à l’IÉSEG School of Management.

La situation de crise sanitaire actuelle est un révélateur de l’engagement de toute la société. Comment faire perdurer cet engagement durablement quand l’incertitude est totale, la situation économique se dégrade et la promiscuité entre vie personnelle et vie professionnelle est compliquée ? Pourtant, cet engagement sur le long terme permettra la performance durable des organisations et le bien-être de tous.

Les DRH et les managers opérationnels ont été particulièrement exposés et engagés ces derniers mois, d’abord pour gérer la crise sanitaire au niveau de leur organisation, ensuite pour piloter une diversité de situations pour leurs collaborateurs, enfin pour se préparer à affronter les conséquences économiques et sociales de la période de forte incertitude qui se présente.

Nouvelles solidarités, nouveaux silos

Si la période a permis de faire émerger de nouvelles solidarités, elle a aussi fait apparaitre des ‘silos’ de populations (les malades, les salariés au front que ce soit les soignants ou ceux qui ont assuré la continuité du pays, les collaborateurs confinés en télétravail, ceux confinés sans travail…). Il est donc essentiel pour les entreprises de prendre en compte ces réalités, de partager ces expériences, d’écouter les signaux faibles de mal-être qui en découlent, mais aussi de recréer du collectif au sein de l’entreprise, de trouver les chemins de la résilience et de l’agilité devant la complexité ambiante, enfin d’adopter une gestion sociale exemplaire car de cela dépendra le potentiel de réengagement des équipes.

Au-delà de ce constat, revenons sur le modèle français qui oscille hélas entre deux rives extrêmes sur l’approche du travail :  on a le choix entre risques psychosociaux ou bonheur au travail ! Bien au contraire l’engagement est une coproduction entre collaborateurs, équipes, managers et l’ensemble de l’organisation dont le rôle est clé pour montrer la vision et surtout y engager tous ses acteurs de manière durable. 

Abordons maintenant 4 chantiers prioritaires à conduire pour reconstruire un engagement durable et développer une organisation agile qui prenne en compte ces nouveaux défis :

Engagement, agilité individuelle et agilité organisationnelle

Oui la bienveillance est de mise dans le contexte de la crise sanitaire, mais il s’agit aussi de faire grandir les collaborateurs et donc il faut trouver un chemin, une ligne de crête entre bienveillance qui protège et exigence qui fait grandir. Cela passe par une meilleure connaissance des moteurs individuels, du désengagement vers le surengagement, dans le but de susciter l’auto-engagement et l’appropriation par les collaborateurs, favorisant ainsi la résilience individuelle, la quête de sens, l’intégration des aspirations individuelles.

LEADERSHIP AGILE ET ENGAGEANT :

Acteurs par excellence de l’engagement des équipes, les managers doivent renoncer à certaines pratiques : micromanagement, pression et focus sur le quotidien, valorisation de la performance et non de la qualité de l’engagement…Pour développer un leadership engageant qui pratique la confiance, le feedback permanent, l’autonomie, et surtout pour donner du sens aux actions quotidiennes de ses équipes afin de concrétiser l’émergence d’un leadership agile apte à naviguer entre enjeux humains et complexité organisationnelle.

Agilité organisationnelle :

Si le manager est un pivot central de l’engagement, l’organisation doit repenser l’expérience collaborateur, faire la chasse aux irritants (complexité, millefeuille de processus, discrimination, silos entre services…), bichonner les moments précieux (cycle de vie du collaborateur, intégration, célébration des succès, développement), faire vivre un projet qui donne du sens et une culture apprenante. Avec un incontournable aujourd’hui, la mise en œuvre d’un ‘télétravail durable’ redéfinissant les activités selon leurs finalités, véritable « vitrine » de la capacité à intégrer les comportements agiles dans les nouveaux modes de travail.

Agilité organisationnelle et Ressources Humaines :

Totalement absorbés par la gestion opérationnelle de la crise, les DRH doivent aborder ces nouveaux enjeux pour reconstruire une chaîne de valeur RH créatrice d’engagement. Cette approche passe par l’accompagnement de la résilience collective, une meilleure reconnaissance et des talents ‘invisibles’, une marque employeur plus modeste, une expérience collaborateur moins hédonique et plus ‘apprenante’. La posture des DRH doit également évoluer : moins de processus et plus de terrain, moins de servitude mais une attitude plus stratégique challengeant l’existant et les parties prenantes.

Les communautés, les chapters, les guildes… sont des éléments des dispositifs agiles qui renforcent l’esprit d’appartenance à un groupe et qui permettent d’augmenter le niveau de partage, de compréhension, de motivation, de soutien. C’est aussi l’occasion de « prendre l’air » par rapport à une équipe avec laquelle on est la plupart du temps. C’est une ouverture, un lien avec l’extérieur de l’équipe et un lien à d’autres. Encore une fois le lien entre les individus est comme les échanges entre cellules d’un même corps : nécessaire à son bon fonctionnement.

L’agilité organisationnelle contre l’incertitude et l’anxiété

Tout milite pour défendre le business case de l’engagement auprès des directions générales comme un outil de transformation : accompagnement des chantiers ‘raison d’être’, développement de la coopération et de l’agilité interne, chasse aux silos, nécessité d’investir sur la résilience individuelle et collective pour assurer le développement de l’organisation face à l’incertitude et l’ambiance anxiogène qui risque fort de durer.

Bernard Coulaty, Founder @MOST ENGAGED