Depuis dix ans, l’économie circulaire s’est imposée dans le langage des directions RSE et des agences de communication. On en parle dans les rapports annuels, on la met en avant dans les campagnes marketing, on lui dédie même des événements. Mais derrière cette omniprésence, une réalité demeure : dans l’industrie, la circularité reste trop souvent superficielle.
Recycler une fraction des déchets, concevoir un éco-produit “vitrine”, compenser son empreinte carbone… ces démarches, bien que louables, relèvent encore du cosmétique. Elles ne remettent pas en cause le modèle linéaire dominant : produire, consommer, jeter.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à l’échelle mondiale, seuls 6,9 % des matériaux utilisés sont réemployés ou recyclés (Circularity Gap Report 2025 (Circle Economy + Deloitte)). Dans l’Union Européenne, la part de matières recyclées ne représente qu’environ 11–12 % (Eurostat/AEE). Cependant le recyclage seul ne suffira pas à transformer le modèle car, sans baisse de la consommation, le pourcentage de matière recyclée ne pourra pas dépasser les 25 %.
L’économie circulaire n’est pas un supplément d’âme. C’est une révolution industrielle et économique qui implique trois transformations profondes :
- La conception des produits : favoriser la réparabilité, la modularité, la réutilisation.
- La chaîne de valeur : intégrer la circularité à chaque étape, de l’approvisionnement à la logistique en passant par la fin de vie.
- Le business model : passer de la vente à l’usage, valoriser la performance et la durabilité plutôt que l’obsolescence.
Startups, PME et grands groupes n’abordent pas ce défi de la même manière, mais chacun dispose d’atouts uniques pour transformer ses pratiques.
Startups : l’agilité comme avantage compétitif
Les startups n’ont pas l’inertie des grands groupes : elles peuvent intégrer la circularité dès la phase de conception.
Elles testent rapidement de nouveaux modèles d’affaires (abonnement, location, réemploi), elles osent challenger les standards existants. Certain.e.s développent des solutions de recyclage local, de réparation simplifiée ou encore de nouveaux matériaux biosourcés. Leur force est de prouver que la circularité peut être rentable et attractive dès le départ.
Leur défi : passer à l’échelle sans perdre leur ADN, ni se heurter aux lourdeurs des systèmes industriels dominants.
PME : un terrain fertile mais sous-exploité
Les PME sont souvent au cœur des chaînes de valeur industrielles. Elles connaissent leurs fournisseurs, leurs clients, leurs contraintes.
Pour elles, l’économie circulaire peut être une formidable opportunité de différenciation, mais aussi un moyen de sécuriser leurs approvisionnements et de réduire leurs coûts. Par exemple, une entreprise manufacturière peut transformer son modèle en récupérant, reconditionnant et revendant ses propres pièces. Ou encore, mutualiser ses flux logistiques avec d’autres acteurs de son territoire.
Leur défi : accéder aux financements, aux compétences et aux outils pour structurer une démarche circulaire. Beaucoup ont la volonté, mais manquent d’accompagnement stratégique pour passer à l’action.
Grands groupes : la transformation systémique
Les grands groupes ont un rôle clé, un rôle moteur, ce sont eux qui structurent l’ensemble des chaînes de valeur.
Lorsqu’ils intègrent la circularité, cela entraîne tout un écosystème de fournisseurs, de partenaires, de clients. Un acteur de l’automobile qui conçoit ses véhicules pour être démontés et réutilisés entraîne toute la filière vers de nouveaux standards. De même, un groupe de distribution qui impose des emballages réutilisables impacte des centaines de PME.
Leur défi : dépasser la logique du “pilote vitrine” pour intégrer la circularité dans l’ensemble de leurs process. Cela demande de repenser les modèles financiers, industriels et culturels.
Un an à la conquête de l’entrepreneuriat circulaire
Dans le paysage entrepreneurial contemporain, l’économie circulaire se profile comme une voie…

Ma conviction
La circularité n’est pas un gadget RSE : c’est un nouveau contrat économique entre acteurs industriels. Cette transition ne se fera pas uniquement par des slogans corporate. Elle demande des startups qui osent, des PME qui transforment leurs pratiques, et surtout des grands groupes qui jouent pleinement leur rôle systémique.
Car c’est en montrant l’exemple que l’on impulse le changement : si un grand groupe initie sa transition vers l’économie circulaire, les acteurs de son écosystème seront contraints d’emboîter le pas.
Et vous, à votre échelle — startup, PME ou grand groupe — comment intégrez-vous la circularité : comme une expérimentation périphérique ou comme une véritable stratégie business ?

Claire Suchodolski, Responsable Incubateur chez Schoolab